6 questions à Lisa Texier, lauréate du prix de thèse 2025 SFN-Synadiet
Retrouvez notre interview de Lisa Texier, docteure en nutrition à l’Université de Bordeaux, et lauréate de la 3e édition du prix de thèse SFN-Synadiet pour ses travaux sur l’étude de la bioaccessibilité et de la biodisponibilité de polyphénols issus d’un extrait de raisin et de bleuet et de caroténoïdes issus d’un extrait de safran.

Pouvez-vous vous présenter?
Je m’appelle Lisa Texier, j’ai 27 ans. Je suis passionnée par la cuisine et la gastronomie, et j’aime aussi beaucoup le sport : le rugby, que je suis en tant que spectatrice assidue, et le tennis, que je pratique régulièrement.
Originaire de Toulouse, j’ai ensuite poursuivi mes études à Bordeaux, où je vis aujourd’hui. J’ai d’abord intégré le Cycle Préparatoire de Bordeaux (CPBx), puis l’école d’ingénieur en physique-chimie ENSMAC (anciennement ENSCPB). J’ai ensuite réalisé un doctorat à l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV), dans l’axe Molécules d’Intérêt Biologique, dans le cadre d’une thèse CIFRE menée en collaboration avec l’entreprise Activ’Inside.
Comment expliqueriez-vous votre sujet de thèse à un non-spécialiste?
J’ai travaillé sur deux extraits végétaux utilisés dans des compléments alimentaires :
- Memophenol™, un extrait de raisin et de bleuet sauvage développé pour soutenir la mémoire et l’apprentissage ;
- Safr’Inside™, un extrait de safran destiné à aider à réguler le stress et l’humeur.
L’objectif de ma thèse était de comprendre ce qu’il se passe dans notre corps une fois que ces extraits sont ingérés. Pour cela, nous avons internalisé au laboratoire des modèles permettant de mimer la digestion et le métabolisme humains, puis nous les avons adaptés plus spécifiquement aux compléments alimentaires. L’idée était de suivre le devenir de ces deux ingrédients et d’identifier :
- Quelle est la stabilité de leurs composés lors de la digestion,
- Comment ces composés sont transformés par notre organisme,
- Et sous quelles formes ils peuvent potentiellement circuler dans le sang.
Quel impact concret votre travail peut-il avoir sur le secteur des compléments alimentaires ?
À long terme, nos travaux pourraient contribuer à améliorer l’efficacité des compléments alimentaires. En étudiant finement le devenir des ingrédients dans l’organisme, nous avons pu mettre en évidence de nouveaux métabolites, qui, selon leur activité biologique (qu’il reste à caractériser), pourraient être à l’origine d’une partie des effets observés. Mieux connaître ces métabolites (leur existence, leur activité, leur origine) ouvre la voie à des formules plus ciblées. Par exemple, si l’un d’entre eux se révèle particulièrement bioactif, il serait envisageable d’adapter la formulation pour favoriser sa formation dans l’organisme. Par ailleurs, nos essais ont révélé que certains composés sont particulièrement sensibles à la digestion gastrique ou intestinale. Cette information peut orienter le développement de stratégies de protection, comme l’encapsulation, afin de préserver leur intégrité et leur efficacité.
Notre approche pourrait également offrir un gain de temps et de coût pour répondre à certaines questions importantes du secteur. Les modèles que nous avons internalisés et adaptés aux compléments alimentaires permettent de simuler la digestion de différentes formes galéniques (gummies, gélules, etc.) lors de différents scénarios de prise (à jeun ou lors d’un repas). S’ils ne permettent évidemment pas de prédire directement l’efficacité d’une forme galénique ou les meilleures conditions de consommation, ils fournissent des premières tendances sur la façon dont un ingrédient est digéré selon les conditions de départ. Ces résultats peuvent ensuite être utilisés pour mieux concevoir et cibler les études cliniques, en testant d’abord différentes hypothèses au laboratoire, puis en orientant les essais chez l’humain vers les pistes les plus prometteuses. C’est une manière pour l’industrie de gagner du temps, réduire les coûts, et éviter de lancer des études complexes sans indications préalables.
Que représente pour vous ce prix de thèse ?
Ce prix de thèse est une véritable reconnaissance de mes travaux et un encouragement pour la suite. Il renforce ma légitimité scientifique et ma visibilité au sein des communautés de la nutrition et des compléments alimentaires. Être distinguée par la SFN et le Synadiet, deux institutions de référence reconnues pour leurs valeurs, leur exigence et leur engagement scientifique, est un honneur et une réelle force pour la suite de ma carrière.
Ce prix vient aussi récompenser trois années de travail intense. Il me rappelle à quel point la persévérance finit par payer et que tous les efforts consentis (les heures passées au laboratoire, les doutes, les remises en question, …) en valaient la peine.
Je considère également cette distinction et cette reconnaissance extérieure comme une opportunité de renforcer ma confiance en moi.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune chercheur ?
Mon premier conseil serait de ne jamais baisser les bras. Une carrière scientifique comporte des hauts et des bas, et il est normal que les résultats positifs mettent parfois du temps à arriver. Mais lorsqu’ils arrivent, la satisfaction est d’autant plus grande.
Mon deuxième conseil est de travailler pour soi et de s’écouter. On entend souvent qu’une thèse exige de travailler le week-end ou de longues heures chaque jour, mais chaque thèse et chaque personne sont différentes. Il est important de trouver son rythme et son équilibre. Écoutez votre corps et votre tête : la thèse est un marathon, pas un sprint. Trois ans passent vite, alors ne perdez pas de temps inutilement, mais ne vous épuisez pas non plus. L’essentiel est de ne pas avoir de regrets.
Enfin, préservez votre vie en dehors du laboratoire. Ayez une activité qui vous permette de vous vider la tête et de vous évader : sport, culture, loisir créatif… peu importe, l’important est de trouver un refuge pour rester épanoui et motivé.